26/01/2013

Maîtriser sa voix pour maîtriser son corps (2) : l'articulation

        Parler, c'est faire du sport. (Je vois déjà mes collègues de sport sourirent ...) Parmi les 6 robinets (billet : Maîtriser sa voix pour maîtriser son corps : timbre et robinet), certains ont des muscles comme les lèvres, les mâchoires, la langue. Il faut donc les échauffer.

Exercice à faire avant des exposés oraux, des lectures à voix haute ... et pour détendre l'atmosphère :
Donner aux élèves un texte difficile à prononcer.

Un pâtissier qui pâtissait chez un tapissier qui tapissait dit un jour au tapissier qui tapissait : « vaut-il mieux pâtisser chez un tapissier qui tapisse ou tapisser chez un pâtissier qui pâtisse ? »

Les élèves vont buter, se tromper ... et rire bien sûr.
Demandez-leur de prendre un crayon à papier et de le mettre en travers de leur mâchoire (comme un mors de cheval) et de répéter le même texte plusieurs fois à voix basse mais en articulant au maximum.
Au bout de quelques minutes très vivantes, demandez à un élève d'enlever le crayon et de lire cette même phrase.
Il le fera sans buter ni se tromper. Les muscles des lèvres, mâchoires et langues auront été échauffés. Faites-leur lire les phrases de plus en plus vite ...

Autres phrases rigolotes à leur faire lire (prévoyez-en plusieurs car ils en raffolent)



Le fisc fixe exprès chaque taxe fixe excessive exclusivement sur le luxe et l’exquis.



Ciel si ceci se sait, ces soins sont sans succès


Dis-moi gros gras grand grain d’orge, quand te dégros gras grain d’orgeras-tu ?
Je me dégros gras grand grain d’orgerai lorsque tous les gros gras grand grains d’orge se d’gros gras grand garin d’orgeront.

La chancelière chantonne comme une chansonnière, la chapelière chapote un chapon, et le charlatan, charmant et charmeur, charge un chariot avec charivari.
 

Il existe des petits livres avec ce type d'exercices comme "+ de 160 phrases pour s'amuser à bien ar-ti-cu-ler" de Laurent Gauder (FIRST éditions, 2004)  ainsi qu'un site : articuler.com  

 

Maîtriser sa voix pour maîtriser son corps : timbre et robinets

                   Hors contexte, ce titre est un peu bizarre ... mais il s'agit de faire découvrir aux élèves leur timbre de voix ainsi que leur pouvoir de maîtriser les sons prononcés. Un mot est composé d'un ou plusieurs sons dont l'instrument est leur corps. Parler, c'est maîtriser son corps et donc son stress, très utile au moment d'exposés oraux.

La voix caractérise une personne. Elle a le même statut légal qu'une image. D'ailleurs, le droit à l'image s'applique à la voix. Cependant, on peut maîtriser certains aspects de sa voix, voire même les modifier pour mieux articuler, parler plus longtemps sans fatiguer les cordes vocales, rendre la communication orale plus efficace. 

D'abord, quelques notions : La voix, sa hauteur, son timbre, son intensité, ses robinets :

La voix est l’ensemble des sons produits par le larynx, lorsque l’air expiré fait vibrer les cordes vocales.

La hauteur de la voix varie selon les personnes. Elle est déterminée par la longueur, la forme et la position des cordes vocales. (difficile de la modifier)

Le timbre de la voix est l’ensemble des caractéristiques qui permet de différencier une personne : les hommes ont la voix plus grave que les femmes. Le timbre provient de la résonance dans la poitrine, la gorge, la bouche et le nez. (exercice 1)

L’intensité des sons dépend du débit d’air expiré.

         Les robinets (exercice 2 et 3) : L'Ircam du Centre Pompidou propose une vulgarisation intéressante de la voix  dont voici un extrait :
Il existe 6 « robinets » de l’appareil vocal ou voix :
  1. Le larynx : par ses mouvements verticaux
  2. Le voile du palais : en bouchant ou pas les narines
  3. Les mâchoires : plus ou moins ouvertes
  4. La langue : selon la forme qu’on lui donne
  5. Les dents : plus ou moins fermées, plus ou moins bouchées par la langue ou par les lèvres
  6. Les lèvres : plus ou moins fermées, pincées ou étirées.


Exercice 1 :  découvrir son timbre de voix 
 
Il faut trouver son véritable timbre de voix afin de ne pas fatiguer les cordes vocales.

  • respirer à fond
  • émettre un son « a » de toutes les manières possibles sans se contracter ni nasiller
  • choisir la tonalité la plus sonore, la plus naturelle et qui fatigue le moins les cordes vocales
  • lire un texte avec cette tonalité et essayer de s’en souvenir.
         
         Exercice 2 : maîtriser son corps

Apprendre aux élèves à identifier les robinets qui forment les consonnes et voyelles leur permet d'apprendre à les maîtriser et à les utiliser efficacement. La maîtrise du corps est fondamentale pour la gestion du stress. Face aux élèves sceptiques, expliquez-leur que se concentrer sur les robinets lors d'un exposé oral leur permettra aussi d'oublier le stress.

         Donnez leur une liste de mots dont certains sont courts, d'autres longs ou compliqués à articuler. Faites-leur analyser quel(s) robinet(s) leur pose(nt) problème sur les mots afin qu'ils puissent ensuite travailler dessus. ex : la mâchoire n'est pas assez mobile, les lèvres ne sont pas assez ouvertes ...
 Il s'agit de leur faire prendre conscience de problèmes simples de prononciation liés à de mauvaises habitudes. Nous ne remplaçons pas les orthophonistes.  

Autre exercice: faites-leur entendre la différence de voix selon l'utilisation des robinets : 
- une phrase lue avec le sourire
- une phrase lue avec les mâchoires fermées ...
Ils doivent réfléchir à ce qui rend la voix la plus agréable et essayer de l'appliquer sur eux-mêmes.
Une personne qui sourit a une voix plus agréable (technique de l'animateur de radio pour plaire aux auditeurs), une personne qui a une langue mobile formera mieux les sons ...  Attention, il ne faut pas que le visage fasse des grimaces !!! 
 

16/01/2013

Semaine de la presse et des médias 2013 : la radio aussi !

                 La 15ème semaine de la presse et des médias se déroulera du 25 au 30 mars 2013, ce que vous savez puisque vous étiez jeudi 10/01 à midi pile en train de vous inscrire fébrilement comme moi.
Cette semaine a pour thème "Des images pour informer"... 
Bon ... 
....  au premier abord, on se dit "zut ! rien sur le son ni la radio!".

Heureusement, la présentation de la thématique choisie arrive à argumenter la possibilité d'y inclure la radio: "Les images, construisent l’actualité, qu’elles soient fixes ou animées, qu’on les trouve à la télévision, sur les sites, dans la presse ou à la radio - car là aussi les mots font images"

Bon ... c'est positif et c'est poétique.
Il faut maintenant réussir à convaincre les collègues de discipline déjà pas très chauds par l'éducation aux médias (encore des heures à leur prendre, "oui mais le programme ... qu'une heure pas plus ...") que les mots sont aussi images et que la radio n'est pas hors-sujet dans "des images pour informer".

Bon ...
... Pour tout vous avouer, à chaque fois que j'ai proposé un projet d'éducation aux médias sur la radio (et le son), je me suis confrontée à la même remarque "je n'y connais rien". Et à chacune de mes réponses "mais je peux le faire, je m'occupais d'une radio avant "(qui sonne moins "j'me la pète" que directrice d'antenne), j'ai eu droit à un regard sceptique, très sceptique... Peut-être parce que je faisais trop "jeune" pour avoir de l'expérience dans  ce domaine (trop jeune en âge ou trop peu d'années d'enseignement) ... mais cela a changé dans mon nouvel établissement. Ce qui explique que je me remette à faire des projets autour de la radio et que j'ai créé ce blog !

Peut-être que si, un jour, la thématique était "du son pour informer", ce serait plus facile pour convaincre nos collègues
  • Parce que la radio est un média
  • Parce que le son peut aussi émouvoir, désinformer, caricaturer, manipuler, raconter, critiquer, illustrer, dénoncer, prouver, faire rire ...
  • Parce que le son est aussi important que l'image 
Ainsi, la Semaine serait, pour les élèves, "l’occasion pour s’attacher à façonner leurs propres" sons, "inédits, originaux, révélateurs du rapport qu’ils construisent avec le monde qui les entoure" dans une société où 
  1. plus de 672 000 podcasts radio ont été téléchargés en moyenne chaque jour au mois de Novembre 2012  en France métropolitaine (source : mediametrie-estat. ) 
  2. plus de 43 millions de personnes ont écouté la radio entre novembre et décembre 2012 (source : Médiamétrie)
  3. le 2ème site internet le plus visité en France en décembre 2012 est celui skyrock.com (plus de 47 millions de visites) : les blogs lancés par le groupe Skyrock qui gère la radio Skyrock.
  4. dans les 20 sites web les plus visités en décembre 2012, on trouve 6 sites de radio dont : 
  • 5ème position : RTL.fr  avec 8 242 223 de visite  ("Laurent Gerra" est le podcast le plus téléchargé de cette radio en Novembre 2012)
  • 6ème position : Europe1.fr ("La revue de presque" de Nicolas Canteloup est le podcast le plus téléchargé de cette radio)
  • 11ème position :  FUNRADIO.fr (4 738 275 de visites) 
  • 13ème, 14ème et 17ème position seulement : France inter, France Infos et France Culture ! (source : médiamétrie)
Bon ...
... heureusement, certains CDDP (32, 65 et 81) pensent à la radio avec, par exemple, ce projet de webradio  « raconter une photographie de presse ». Vous pouvez lire la présentation du projet (il faut un mot de passe pour avoir accès aux ressources mais tout est expliqué pour l'avoir), et un article du Café Pédagogique.

Bon ...
... ça donne envie !

13/01/2013

Fables de la Fontaine : le temps de l'oralité vs le temps de l'écoute

          Le temps de l'oralité n'est pas le même que celui de l'écoute. Lire à voix haute fausse notre rapport au temps, donne l'impression que le temps s'allonge. Les silences, hésitations, toux ... semblent s'éterniser dans le temps, ce qui déstabilise souvent le lecteur. Ce temps de l'oralité fausse le rapport de certains élèves à la lecture et à l'expression orale. Il est alors sur une impression d'échec ou d'erreurs successives.

Je propose ici une séquence qui fonctionne très bien avec des petits groupes d'élèves "contrariés" avec la lecture, l'orale ou en manque de confiance en eux. J'ai proposé cette séquence dans deux collèges différents et des publics différents, un en zone urbaine et l'autre en zone rurale et, à chaque fois, elle a plu à l'enseignante de lettres et aux élèves (le plus important ! ).

Les podcasts sont utilisés de 3 façons différentes :
  • illustration du cours
  • production
  • support d'évaluation

Compétences du socle commun : Compétence 1 : le Lire et le Dire

Pour être plus explicite :
  • Savoir comprendre un texte, le vocabulaire pour en dégager tout son sens et être capable de l'exprimer lors d'une lecture à voix haute. 
  •  Développer le goût de lire 
  •  Rendre l'élève acteur de sa lecture  
  • Savoir donner du sens à sa lecture  
  • Savoir prélever de l'information dans le texte pour mieux la restituer  
  • Apprentissage de l'expression orale
  • prendre confiance en soi

Modalités:
lieu : CDI
nombre d'élèves : demi classe maximum
professeurs : professeur documentaliste et professeur de lettres


Séance 1 : le podcast en tant qu'illustration du cours

Objectifs procéduraux
  • savoir moduler sa voix selon les situations et les personnages
  • savoir lire à voix haute en fonction de la sonorité des mots et en fonction du sens des mots
  • savoir prélever de l'information dans le texte pour la restituer à voix haute

Objectifs déclaratifs
  • connaître les techniques de la lecture à voix haute
  • connaître les codes pour respirer

Déroulement : 
  1. Explication du projet
  2. Ecoute du Héron, podcast proposé par le site http://wheatoncollege.edu (poèmes, fables ... lus par des acteurs)
  3. Re-écoute du Héron AVEC le texte sous les yeux
  4. Comment le lecteur lit-il la fable ? Comment la rend-t-il vivante ? Comment le lecteur fait-il pour qu'on différencie le narrateur du héron ?  
  5. Distribution de la fiche-outil "je lis à voix haute les Fables de Jean de la Fontaine".
  6. Lecture de la fiche et exercice à l'oral (exercice dirigé) : la prof-doc fait un ou deux exemples ("énOOOrrme morceau" ... il ne faut pas avoir peur du ridicule et donner le meilleur de soi-même comme si le Golden Globe était en jeu),  les élèves doivent ensuite jouer sur les sons et le sens des mots pour chaque mot ou groupe de mot proposé (colonne de gauche). Même les plus timides lèvent le doigt pour participer. A droite, ils doivent écrire dans la bonne colonne quel animal des fables a une voix aiguë ou grave à partir de cette liste (qui n'est pas exhaustive mais qui correspond aux animaux des fables sélectionnées par leur professeur de français)
la cigale / la fourmi
le renard / le corbeau
le loup / l'agneau
le loup / le chien
le chêne / le roseau
le lièvre / la tortue
la grenouille / le boeuf
l'aigle / la pie




Séance 2 et 3 : entraînement



La professeur de français a, au préalable, distribué une fable à chaque élève et fait un travail de compréhension de texte. 
Ces 2 (voire 3) séances consistent à s'entraîner à lire les fables à voix haute. Il faut passer d'un élève à l'autre pour soutenir leur motivation et les aider à franchir les obstacles les uns après les autres : difficulté du vocabulaire, les mots à accentuer, où accélérer ou diminuer le débit et pourquoi, quel est le sentiment du personnage à tel endroit du texte...  mais aussi timidité, difficulté de lecture, manque de confiance en soi.
Le mieux est que chaque élève se trouve seul dans un coin du CDI afin de pouvoir travailler sans avoir peur du regard des autres.



Séance 4 et 5 : le podcast comme production et support d'évaluation
 
(Les enregistrements deviendront podcasts car ils seront en ligne sur l'ENT ensuite.) 
 
objectifs procéduraux

  • savoir mettre en pratique ce qui a été appris
  • savoir s'exprimer à l'oral
  • savoir prendre du plaisir à s'exprimer à l'oral
  • savoir respecter la ponctuation
  • savoir respirer pour ne pas être essoufflé
  • savoir articuler pour être compris
  • savoir varier le rythme et le ton de sa voix en fonction des situations
  • savoir parler assez fort pour être entendu
  • savoir jouer avec les sonorités des mots
  • savoir jouer avec la signification des mots
  • savoir auto-évaluer sa lecture de façon critique pour progresser

Les élèves relisent leur fable puis sont enregistrés les uns après les autres. Le mieux est de leur tenir le micro afin qu'ils se concentrent sur leur lecture (les mettre dos à la classe).
Après la lecture, ils s'auto-évaluent tout de suite.
Lorsque tout le monde est enregistré, on re-écoute les podcasts. Les élèves s'auto-évaluent une seconde fois après écoute, avec l'avis de leurs camarades. Ils découvrent alors que leur prestation n'est pas si mal que cela, qu'ils n'ont pas buté sur beaucoup de mots contrairement à leur impression immédiatement après la lecture.


Bilan ?

            J'aime beaucoup ce projet car le temps de l'oralité n'est pas le même que celui de l'écoute. 
Un silence peut paraître très long à l'oral et insignifiant à l'écoute, idem pour les hésitations, syllabes avalées ... Or, les élèves n'ont d'abord accès qu'à leur temps de l'oralité qui les induit en erreur sur leur vrai niveau de lecture. Écouter ce qu'on a lu, c'est reprendre confiance en soi  "oh, finalement, j'ai bien lu, j'ai mis le ton, on n'entend pas que je me suis trompé sur ce mot ...". les élèves sont les premiers surpris de leur prestation réelle car ils sont très critiques sur ce qu'ils font (contrairement à l'impression qu'ils peuvent donner). Ils reprennent confiance en eux. 
Leur rapport à la lecture n'est pas radicalement modifiée mais c'est un exercice qui peut y participer.

En radio, nous avons l'habitude de ne pas reprendre un mot sur lequel nous butons car cela "casse" le rythme de la lecture et attire l'attention de l'auditeur sur cette "erreur" . Ainsi, elle passe totalement inaperçue. Je donne ce "truc" aux élèves lorsqu'ils ont peur de se tromper : ne pas se reprendre pour ne pas rompre le rythme de la lecture ou de l'exposé oral. 

            Autre aspect qui m'intéresse : le dépassement de soi.
J'ai vu des élèves se métamorphoser au moment de l'enregistrement (souriant, à l'écoute, faisant une prestation parfaite ...), d'autres qui étaient abonnés aux punitions (et qui avaient du mal à rester en place, à se concentrer ou à  accepter les consignes ou même les règles de la vie en société) demander de relire la fable car leur prestation ne les satisfaisait pas. Lorsque j'ai fait cette séquence la dernière fois, il s'agissait de 10 élèves de 6° en grande difficulté. Ils ont tous été actifs dans le projet et très étonnés de la qualité de leur lecture. Ils ont pris du plaisir.

           "C'est pas ma voix ! " : pour certains élèves de 6°, c'est la première fois qu'ils entendent leur voix. En effet, au quotidien, nous entendons notre voix à la fois de l"intérieur" Et de l'exterieure.