08/02/2013

Le temps scolaire vs l'Education aux médias et à l'information : quel sens donner à un enseignement morcelé ?

                Avec des amies prof-docs (collèges et lycées professionnels) nous réfléchissons à la motivation des élèves : comment la faire naître, comment la faire durer dans le temps, comment créer le désir d'apprendre ?
C'est le but du projet radio en 6° dont je vous fais part, séance après séance : motiver les élèves en donnant du sens à leur recherche d'informations, apprendre à s'informer pour informer les autres.
             Or, je me heurte à un obstacle à la motivation que je n'avais pas prévu : le temps scolaire. La création de sens par la mise en projet n'est pas adaptée au temps scolaire ou inversement : le temps scolaire ne permet pas la motivation à long terme et un engagement continu de l'élève dans un projet.

          La recherche d'informations en 6° pour rédiger l'article qui deviendra ensuite chronique radio est longue, elle demande plus d'une heure et donc une certaine cohérence et continuité de réflexion, de concentration et aussi d'actes techniques (au niveau informatique et informationnel).
Une séance de 55' dure en fait 45' : faire l'appel, distribuer les documents, régler des petits problèmes de matériels, de codes ... déjà 10' de perdu. A la fin de l'heure, la cloche sonne ; c'est le cours de maths, de français ... qui les appellent et qui leur disent "rangez tout et allez vite à l'autre cours". L'élève referme son "tiroir mental" IRD  pour se préparer à ouvrir le "tiroir" maths. Les cours s'enchaînent, le week-end, la semaine, une autre semaine ...
Entre deux heures d'IRD, l'élève de 6° aura eu ... 50 heures de cours ! 

             Et voilà que c'est à nouveau l'heure de la recherche pour la radio. Nous perdons à nouveau des minutes avec l'appel, les absents .... les élèves se replongent dans leur carnet de bord, essaient de se souvenir où ils en étaient (dans les actes et leur réflexion). La motivation de l'élève n'est plus, il faut la refaire naître. Je me rends compte que je dois alors tout rappeler, leur redonner envie, les recentrer sur l'objectif final : la diffusion en radio. "Vous êtes comme des journalistes, vous cherchez pour informer les gens qui vont vous écouter ... Vous en êtes à la recherche d'informations afin de rédiger votre article qui sera ensuite lu à voix haute ... vous vous souvenez, on a cherché la définition de "chronique radio" (séance 2) ... il n'y a pas d'improvisation en radio, tout est écrit et c'est ce que vous faites ...".
               La chance que j'ai est que j'ai oublié (!!) de leur faire écouter des chroniques radio enregistrées par des élèves il y a quelques années. Cela me permet de leur remettre en tête (en séance 4) l'objectif final de la recherche et de leur permettre de comprendre concrètement ce qu'ils font et pourquoi ils le font. Cela leur permet de modéliser mentalement leur future chronique radio.


           Ce temps scolaire accordé aux Initiations à la Recherche Documentaire en 6° (et encore, j'ai beaucoup de chance car les IRD sont dans l'emploi du temps des élèves) et plus généralement à l'éducation aux médias et à l'information va à l'encontre de l'engagement demandé aux élèves, à cette motivation durable nécessaire à la participation active à un projet qui dépasse les 55' données. Il en est de même pour tous les projets que nous proposons aux collègues de discipline : il est sans cesse morcelé, émietté, évaporé dans le temps.
           Cependant, nous pouvons peut-être inventer une autre organisation du temps scolaire plus adaptée à notre "enseignement" (je mets des guillemets pour ne heurter personne) qui le rendrait plus efficace et moins dilué dans le temps. Après tout, pourquoi l'éducation aux médias et à l'information ne nécessiterait-elle que quelques heures par an ? Est-elle moins importante que les autres "enseignements" ? (sans rentrer dans le débat discipline / pas discipline).
           Pourquoi ne pas concentrer ces heures durant une période limitée : proposer des séances de 2h pendant le 1er trimestre (une semaine sur deux) puis proposer de revenir à une heure de séance (une semaine sur deux) en remplaçant l'heure libérée par de l'aide aux devoirs ou de l'accompagnement éducatif ? ... Surtout que ces dispositifs débutent souvent après les vacances de la Toussaint. Ainsi, dès le début de l'année, cette organisation particulière peut être prise en compte dans l'emploi du temps des élèves et modifiée ensuite au second trimestre. J'y réfléchis ... notamment pour ce genre de projet d'éducation aux médias. (mais j'imagine déjà les chefs d'établissement s'arracher les cheveux lors de la création des emplois du temps à la rentrée).

              J'enseigne à des élèves des connaissances et compétences que les collègues de discipline leur demande de mettre en pratique dès la rentrée lorsqu'ils leur demandent de faire une biographie, une recherche d'image, des recherches sur le web ... la contradiction est évidente. J'aborde la recherche sur le web après les vacances de la Toussaint, ce qui représente deux mois de cours pour un élève, 24 séances en histoire-géographie,  12 h en technologie, 32 h de sport et ... 4 séances en IRD !
               Heureusement que la motivation des élèves n'est pas proportionnelle à la répartition mensuelle des heures par "discipline" ...


Pour aller plus loin sur le temps scolaire un article de Agnès Cavet  dans Veille et Analyses (numéro 60, février 2011) Rythmes scolaires : pour une dynamique nouvelle des temps éducatifs )

2 commentaires:

  1. Cette question du temps scolaire est effectivement importante, elle me pose également question. Apparemment certains établissements "arrivent" (ou s'organisent) pour créer un temps dédié aux projets, voire expérimentent des séances plus longues ou des budgets temps entre disciplines ... Je vais aller lire le lien sur l'engagement que tu as donné. merci

    RépondreSupprimer
  2. Il paraît qu'on peut annualiser les heures comme celles de l'option découverte professionnelle ou celles des ateliers scientifiques ... pourquoi pas les nôtre ? Ce qui me semble important est que l'emploi du temps des élèves puisse s'adapter aux projets et non pas l'inverse ... en espérant que les logiciels de gestion d'absences et d'emplois du temps (tel pronote) ne compliquent pas l'organisation.

    RépondreSupprimer